Victor Hugo

Ce Que Dit La Bouche d’Ombre (Extraits)

Crois-tu que l’eau du fleuve et les arbres des bois,S’ils n’avaient rien à dire, élèveraient la voix ?Prends-tu le vent des mers pour un joueur de flûte ?Crois-tu que l’océan, qui se gonfle et qui lutte,Serait content d’ouvrir sa gueule jour et nuitPour souffler dans...

Lettre À Juliette Drouet

Forêt de Fontainebleau, 18 Juillet 1834 Mon bras pressait ta taille frêle Et souple comme le roseau; Ton sein palpitait comme l’aile D’un jeune oiseau. Longtemps muets, nous contemplâmes Le ciel où s’éteignait le jour. Que se passait-il dans nos âmes? Amour! amour!...

Au Bois

Nous étions, elle et moi, dans cet avril charmantDe l'amour qui commence en éblouissement.Ô souvenirs ! ô temps ! heures évanouies !Nous allions, le coeur plein d'extases inouïes,Ensemble dans les bois, et la main dans la main.Pour prendre le sentier nous quittions le...

Elle était déchaussée, elle était décoiffée…

Elle était déchaussée, elle était décoiffée,Assise, les pieds nus, parmi les joncs penchants ;Moi qui passais par là, je crus voir une fée,Et je lui dis : Veux-tu t'en venir dans les champs ? Elle me regarda de ce regard suprêmeQui reste à la beauté quand nous en...

Ô jeunes gens…

Ô jeunes gens ! Élus ! Fleurs du monde vivant,Maîtres du mois d’avril et du soleil levant,N’écoutez pas ces gens qui disent : soyez sages !La sagesse est de fuir tous ces mornes visages.Soyez jeunes, gais, vifs, aimez ! Défiez-vousDe tous ces conseillers douceâtres et...

C’est la nuit ; la nuit noire, assoupie et profonde

C'est la nuit ; la nuit noire, assoupie et profonde.L'ombre immense élargit ses ailes sur le monde. Dans vos joyeux palais gardés par le canon,Dans vos lits de velours, de damas, de linon,Sous vos chauds couvre-pieds de martres zibelines,Sous le nuage blanc des molles...

Heureux l’homme occupé

Heureux l'homme, occupé de l'éternel destin,Qui, tel qu'un voyageur qui part de grand matin,Se réveille, l'esprit rempli de rêverie,Et, dès l'aube du jour, se met à lire et prie !À mesure qu'il lit, le jour vient lentementEt se fait dans son âme ainsi qu'au...

À La France

Livre, qu'un vent t'emporte En France où je suis né ! L'arbre déraciné Donne sa feuille morte.Victor Hugo, La Légende des siècles, (Dédicace) 1883.